8 autres poèmes du recueil "Classico-modernisme" (2006)
SUR SON ÎLE
2 heures du matin, il va faire un jogging
Avec son courage et sa femme puis Théo,
Son fils de 10 ans qui se croit à Bornéo,
Sur son île aux pensées rêveuses de camping !
Dans la végétation luxuriante, en forcing,
Il gonfle ses poumons devant un paréo,
Avec un disque ancien au son en stéréo
Qui sort d’un magasin en ville, du shopping !
Ses mains plantent la tente et des légumes verts
Pour vivre au jour le jour devant les palmiers
En jouant sur la plage un pion sur un damier :
Un coquillage mort au souffle recouvert
De sable, au chant pleureur des singes, du hamac…
Et dans les refrains stridents de son estomac !
Le 2 mars 2006.
UNE ARMOIRE A GLACE PEU COMMODE ?
On reconnaît un gars pour sa force physique,
Pour son slip mal lavé devant deux, trois moteurs,
Qui bricole toujours le compteur, en musique,
De sa moto qui se transforme en réacteur !
On reconnaît un homme en forme pour sa flemme
Devant une télé munie d’un cendrier
Et d’un petit pastis pour les soirées qu’il aime
Avec du football qui roupille dans ses pieds !
On reconnaît un type en peine pour sa joie
De s’être séparé de celle qui parlait,
Loquace, avec des mots d’insulte comme une oie…
On confond un bon gars pour un marchand de lait !
On reconnaît un mec pour de la solitude,
Pour d’irréelles mains frappant sur son moral,
Sans aventure, aucune ! On le prend d’habitude
Pour une armoire à glace au blason carcéral !
Il n’en est rien ! Pourtant, il semble peu commode
Lors d’un buffet trop froid, assis face au dressing
Et devant son épouse austère que la mode
Refuse en oubliant son look et son piercing !
On reconnaît un homme heureux pour sa chemise
Ouverte avec un torse avide de canons,
De femmes, de nature et de lettres émises
A l’intention, hélas, de portes de prisons…
Le 29 octobre 2005.
LE PORTE-DOCUMENTS
Le porte-documents ne porte que des feuilles
D’arbre jaune où s’attarde un écho de journal
Sur un sèche-cheveux ou bien un tribunal,
Une lettre fichue, de fautes ou de deuil !
Il contient de quoi mettre un reg seul dans les larmes,
De la publicité, des news sans intérêt,
Aussi la nostalgie, les guerres et les armes
Parmi la vente de salons et les décrets !
Des feuilles A4
Chantent l’enfer
Facture en plâtre
Chiffres d’éther
Le porte-documents a de l’inspiration
Aucune page blanche aucune défaillance
Des rimes sans passion
Et aucune brillance
Des feuilles A4
Chantent l’enfer
Facture en plâtre
Chiffres d’éther
Voici les journaux à l’annonce impondérable :
A vendre : un chat perdu qui répond à ce nom :
« Reviens » Pauvre matou qui s’échappe ! La table
Est mise ! Une croquette est boulet de canon !
(Du n’importe quoi !)
Des feuilles A4
Chantent l’enfer
Facture en plâtre
Chiffres d’éther
Le 3 décembre 2006.
UN COMBAT SANS MERCI
Il se lavait avec son gant
De boxe en essuyant
D’un revers de la main
Sa bouche pâle de brigand
Sous le gong de son vaillant
Torse de gamin
Car il saignait de la vinasse
Avec son rasoir électrique
Et son poil dru se montrait glace
Froid sous les yeux blancs du miroir
Dans le psyché de son espoir
A la barbe d’un air de musique
Un duel acharné réclamait la victoire
Entaillé sur les joues il luttait sans histoire
Avec le plus docile et parfait adversaire :
Sa personne et son corps décuplé de viscères
Le 6 mars 2006.
CHANTEUR DU DIMANCHE
Le chanteur fait une reprise
A son drap pour dormir tout bas !
La clé du succès se révèle à sa portée
Comme les clés de fa, de sol qui l’autorisent
A sortir un hautbois, un trombone, une flûte
De champagne, en silence, en musique avortée !
Le chanteur pour hausser la voix :
Il connaît la musique
Quand il enchaîne des tubes
Et son VTT au lampadaire
Près du parc Monceau,
En sifflant des notes sur son calepin
Mouillé par une averse d’avril !
Il compose, tranquille comme Baptiste,
Ses chansons et ses tubes
De dentifrice sont vides
Pour des dents de star et de succès
Derrière des boules quiès
D’un travail de Pénélope !
Le 8 mars 2006.
CONTEUR D’ELECTRICITE
Il était une fois un gars déconnecté
De la réalité qui rêvait, sans complexe,
Des amours très branchées aux prises de l’été
Mais aussi des hivers et du givre qui vexe
Comme des cheveux blancs qui collent sur les yeux !
Il semblait au courant de l’ennui point aimable
Qui s’installe en le couple en des scènes de vieux
Et savait l’éphémère amour, pétait un câble,
Electrique et hélas lâchant prise ou craquant
En se tournant vers elle : une femme juteuse !
Il était une fois un lion, premier décan,
Qui dévorait le coup de foudre des chanteuses
Pour ignorer le temps qui passe et le ruisseau,
Le courant qui l’emporte jusqu’à l’autre ride
Et qui se presse en se cognant dans un ponceau,
Dans le déroulement funèbre de son vide !
Le 13 décembre 2005.
DES TALONS CACHES
Ses talons ne me bottent pas
Car dans les fesses ils m’agressent
Ce n’est pas le pied ni le pas
De mon voyage vers
Vous avez des talons cachés
Lui dis-je au Publiphone
En criant « help ! » comme amoché
Amorphe et presque aphone
Je pars sur ma pinasse
Fuyant quelques morues
Pour l’air et la bonace
Sans filles de la rue
Vous ne m’arrivez pas à la cheville, Miss !
Mes muscles, c’est le pied !
Vous êtes le gin-fizz
De mes amours perdues, mes noces de papier
Froissé !
Lui dis-je avec mon pied de nez et mon passé
De pied ferme
Aux thermes,
Au terme
D’aventures sans rencontres
Dont je fus contre-
Toi, prêt à pardonner…
Sans donner !
Voici mon pied-à-terre au pied d’une montagne
Qui tourne les talons !
Je pars et je me magne !
Voilà quelques sofas et un petit salon
De coiffure
Avec des femmes qui m’attendent, moins dures,
Sans trop paraître contre !
Le 9 mars 2006.
J’IRAI CRACHER SUR VOS BOMBES
J’irai cracher sur vos bombes
Et sur vos guerres de gangrène
Pour au soleil partir en trombe
Comme un vif lapin de garenne
Ô guerres abruties ô fardeaux inconscients
Vous endormez le monde et sombrez suppliant
Dans les fétides fleurs
Des esprits voleurs
J’irai cracher sur vos bombes
Et faire un foin à vos mémoires
Avant que les soldats ne tombent
Dans les jupes du conflit voire
Dans les robes de guerre à boire
Avec le vin rouge des combes
Autour du char j’irai cracher
Avec que des pâles clameurs
Comme un thon trop mal repêché
Dans mon filet de voix qui meurt
Sur le fusil j’irai cracher
Sur les images peu scolaires
Sur les canons graves tachés
De sang nu du coucher solaire
Mais je ne suis pas un héros
Ô guerre ô prison ahurie
Tu ruisselles comme les veines
Dans la scène en furie
Des vents qui traînent
Sûr de l’amour j’irai cracher
Sur les canons et la mitraille
Dans l’existence qui déraille
Sur les obus comme amochés
Sur les chars latents et escrocs
J’irai cracher sur vos bombes
Sur vos massacres en guirlandes
Quand la vie ne sera que tombe
Et l’Eden un jardin de landes
Le 15 février 2006.