Les poésies de Nicolas Pavée

Autres poèmes du recueil Carnet de Voyage (Prix Arthur Rimbaud 2004)

 

Je suis un lourd chemin taillé comme une robe,

Qui monte, brisant comme un pâle mascaret,

Et parle de ce vague à l'âme qui m'enrobe

Puis flotte dans l'odeur infâme de goret !

 

Je vais en la nature avec mon limonaire,

Mon compagnon de route aux rythmes de jadis,

Revendre ma musique aux danses de tonnerre,

Etreindre d'un pinceau les toiles des esquisses !

 

Ce soir, je m'en irai reboire un minestrone

Plus large que la mer qui force les courroux,

Survivre en une auberge en reine qui couronne

Le libre voyageur de mets à ses genoux !

 

Et je repartirai demain, visage glabre,

Derrière l'Italie qui montre ses couleurs,

Avec la caravelle en force qui délabre

La fragile santé de ses quelques haleurs !



LES CITES ENGLOUTIES

 

Ouvrez votre chaleur, ô mer de comédie,

Théâtre de sophisme où nagent les chinchards

Qui traînent leur passion hargneuse en maladie,

Libèrent leur soleil, enchantent les clochards !

Voici des lueurs bleues qu'encense l'espérance

Et qui font, avec joie, danser les artimons

Du lourd navire allant aux flammes de l'errance

Etendre ses rubans semblables aux saumons !

 

Ô cités englouties dont la lumière fuse,

Sans vague, dans le soir, au gris proéminent,

Venez donc accueillir notre vie comme intruse

Sous vos profondeurs, sols où chutent les manants !

 

Voilà que le parfum de mer dans ma narine

Suprême se prolonge en rythme ! Respirons

Les flots ! Voici l'ivresse et l'essence marine

Que hument les cités aux dignes mascarons !

 

Mais, quel est ce passé qui déferle en la ville

Et devant le navire immergé, les atours

D'un soleil enfoncé dans la mer qui défile

En grondant en surface et s'enfuit sans retours ?

Mais, qui vois-je en ces lieux se noyer dans les lames

De banquise et partir se coucher au galop,

Sur le sable immobile aux sanglots qui déclament

La misère de fuir en horreur sous les flots ?

 

Le vaisseau ne suit plus son chemin vers l'Asie !

Il a l'air de la mer dans le froid pour fumet,

Et tremblant au passé, rien ne vaut, cramoisie,

Que le sang du soleil pour dernier calumet !

 

Et devant tous les pleurs que dégagent les vagues

Ignorées dans le fond aux vestiges humains,

Fleurissent, dispersés, des trésors et des bagues

Qu'un jour le vieux naufrage a perdus de ses mains !

 

Moi qui perdais de vue les écrins et les muses,

Me voilà de nouveau, sous les flottes, imbu

De renaissance au cœur des torrides méduses

Que les êtres vivants verraient dans l'inconnu

De l'ombre de la mort ! Au silence, je coule

Comme un homme oublié qui demeure laquais

D'un périple où le drame a frappé dans la houle

Sans jamais n'arriver au pays, sur les quais…



VOYAGE LEGENDAIRE DANS LES RÊVES

 

Souvent, je me revois couché sur mon drap-housse,

Songeant à la mer bleue en force qui galope

Et à cette licorne, aux vagues, interlope

Que j'imagine encore en ma cervelle, rousse !

 

Le cœur à marée basse ! Ô malheur, que je tousse !

Plus rien n'est éternel dans les nues de ma clope

Envahie d'un mystère ou d'un pâle cyclope

Comblé par mon sommeil de rêves sous la mousse !

 

Ce soir, parmi les eaux où dansent les murènes,

Mes yeux ont laissé vivre une île de sirènes

Plus tendres qu'un sourire épars auprès du jour !

 

Mais, que vivre demain ? L'ailleurs a son malaise,

Les charmes enivrants d'immense ou frêle tour

Dressée comme un rocher loin de la côte anglaise…





21/01/2008
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