Les poésies de Nicolas Pavée

Onze poèmes du recueil Carnet de voyage (Prix Arthur Rimbaud 2004)

VOYAGE VIRTUEL

 

Les soirs, elle allumait sans rêve son modem,

Pensant pouvoir ainsi s'évader au chatroom,

Surfer sur le web et quitter son living-room,

Le temps d'être envahie de songes ibidem !

 

Mais rien n'était réel et les îles : idem !

Quand de sa pauvre vie, un insane vroum-vroum

Se creusait dans sa tête en un éternel boum,

Son cœur voulait alors s'enfuir libre en tandem ;

 

Courir vers de grands lieux dont les couleurs extra

Rappellent les palmiers et les ailes d'ara !

Puis, sentir le matin intense à Haïti

 

Couvert de sable chaud ; paisible reporter

D'un autre paysage au loin du graffiti

Vétuste de Paris ou d'un calme poster !

 

 

 

EXPEDITION EN EGYPTE

 

Avoir en sa mémoire un flot de papyrus

Couvert de manuscrits qui viennent de là-bas :

Egypte dont les yeux, devant les mastabas,

Contemplent le passé derrière les cirrus !

 

Voir Thèbes, la Vallée des Rois qui font chorus,

Sur les rives du Nil, dans l'or d'un soleil bas,

Nourrir son souvenir de tombes, de débats ;

En livres, attraper, du Caire, le virus !

 

Enfin, se rappeler de haute pyramide,

Merveille de ce monde en nous qui m'intimide,

Et d'un félin doré qui fixe comme un lynx

 

La mort dans l'antichambre, austère de sermon,

Ou le regard ardent et hostile d'un sphinx,

Le Paradis perdu du dieu Toutankhamon !

 

 

 

DEBUT DES VOYAGES

 

 

1

PREMIERES EXPLORATIONS

 

Fœtus, je voyageais dans les grottes profuses

En liquide amniotique, aux nages follement

Privées de ce soleil que les morts nous refusent,

Arborent le silence en long empêchement !

 

Assez pris le sommeil dans ce trou, rabouillère

Dont le jour est perdu dans la nuit jusqu'aux doigts

De la lune ! Offrez-moi, par bonheur, grenouillère,

Biberon et landau des clartés d'autrefois !

 

Car le monde idéal est la foi d'innocence !

Ô Parfums, éloignez le passé ci-inclus

Dans le souvenir fade et vidé de décence

Quand l'enfance survit au bonheur qui n'est plus !

 

Je pleurais de la joie qui s'offrait aux naissances,

Renaissances partout qui détachent les pleurs

De l'enfant qui s'éveille et découvre les danses

De pays en pays pour d'affables chaleurs !

 

J'étais cœur voyageur au visage candide,

Explorant les atours des délires humains,

Avec les horizons de sable au reg aride,

Lourd sein de dune au vent qui frappe dans les mains !

 

 

2

ASSEZ DE BRAS PROTECTEURS !

 

Ô fâcheuses idées que de vivre en des bras

Intenses, maternels et dormir d'ignorance,

Souffrir à trop voir la tolérance

Quand s'enflamme un voyage et flambe sous les draps !

 

Lâchez ces protecteurs et ces mains que voilà,

-         Me disais-je – assez de nos mères !

Rageur, je décidais d'enterrer les amères

Bontés dont l'aventure un jour se désola !

 

Et tôt, je pris la route affable vers le bruit !

Mes traces signaient la bravoure,

Comme un cœur rougissant où le charme savoure

Les faciès méconnus des filles de la nuit !

 

-         Je criais – On est jeune et la révolution

Déraisonne l'odeur des caresses trop suaves !

Il est temps, ô ma vie, que tu braves

Les milieux qui ne sont rien sans brève passion !

 

 

3

J'ETAIS HELAS BRUMEUX…

 

J'étais hélas brumeux d'entendre mon enfance

Livide, être falot,

En larme, sans défense,

Vidant la mer sauvage et faible d'un sanglot !

 

Je rêvais, soyez fous, du désert qui condamne

Les dunes de mes yeux,

En dansant la sardane

Par tous les temps : maussade en neiges ou pluvieux !

 

Aïe ! Me frottant les bras aux piquants de l'orage,

Chardons, cactus, grands crocs,

Poursuivais-je avec rage

Les obstacles des cieux naturels ainsi trop ?

 

Plutôt que de brouiller les cartes, Paysage,

De tes jeux immoraux,

N'allais-je donc, pas sage,

Revoir mes chers parents aux larmes de coraux ?

 

 

4

FOLÂTRE VOYAGE

 

Folâtre voyage,

Trop bien avant l'âge,

Plaisant,

 

J'allais dans l'orage

Vieillir mon image,

Misant,

 

Le soir, sur la nage

Des bras et la rage

Aux dents !

 

Je traversais, sage,

Les flots, dans l'ombrage,

Ardents !

 

L'air tournait la page

De l'enfance en cage

Rêvant

 

D'un monde sauvage

Au long d'un rivage,

Au vent…

 

 

5

L'ENFANT DU FEU

 

Trop plein dans les ardeurs brûlantes que je traîne,

Jeunesse, à minuit cinq, je tourne mon profil

Vers neiges et glaciers qui freinent la moraine,

Emportent vaillamment les fièvres en terril !

 

Je brûle mes journées ! Les glaces sont perdues,

Voyagent au désert de sable lactescent

Par les trop forts rayons de chaleur et fendues,

Les quatre saisons qui se brisent en passant !

 

Je suis l'enfant du feu, le fier courant d'audace

Qui coule dans le sang du calme des pays,

Marcheur des chemins chauds dont le rêve se glace

Et dont le cœur voyage au dos des méharis !

 

Moi ! L'enfant qui sommeille en mon être dégage

Sinon que la révolte et l'amour ravalé

Face à ces soirs passifs, honteux dont le langage

N'est autre que l'ennui d'un monde désolé !

 

 

 

Manuscrit de "Voici donc Paris"

 

 

 

VOICI DONC PARIS !

 

Ah ! Voici donc Paris ! L'immense populace

Et les gens ruisselants qui sortent des métros,

Quand parle la froideur aux jambes qui se glace,

Déjà, dans l'hiver fou qui nous montre ses crocs !

 

Oh ! Voilà des murs gris au cœur de Montparnasse,

Le vaste jardin du palais du Luxembourg

Où flânent mes deux yeux ouverts à la vinasse

Nocturne de ce soir quand brille le faubourg !

 

Ah ! Encore la Seine en noirceur qui menace

Les passants trop pressés qui recherchent le jour,

Qui semble être partie comme une humble bonace

A travers le repos où s'engendre l'amour !

 

Oh ! Un temps pour dormir ou le temps qui prélasse

Dans le froid de la nuit qui s'entend regagner

La beauté du matin qui se forme en palace,

Sous les traits chantants de l'Opéra de Garnier…

 

 

DANS LES RUELLES PARISIENNES

 

Je me noyais dans les ruelles,

Entouré d'air et de ces belles

Joies, déités !

 

J'étais du genre des rebelles

Qui jetaient déjà les poubelles

Sur les étés !

 

Perdu, risible en la tourmente,

Je ne respirais pas la menthe

Mais le goudron !

 

Sauvage, éperdu vers l'amante

Qui se trouve être aussi aimante,

Sur son perron,

 

Je hurlais devant les cruelles

Avenues, en roulant des pelles

A ces beautés :

 

Mignonnes, tendres demoiselles

Qu'aucun ne sait dire donzelles

Aux rues, postées !

 

Il fallait pourtant que je sente

Grandir en mes bras l'indécente

Fièvre aux clairons !

 

Et c'est pour ma tête innocente

Que je flânais, adolescente,

Sur tes seins ronds !

 

 

A L'HEURE OU L'AVENTURE…

 

A l'heure où l'aventure émerge, des rivages

De monts, en se dressant, s'enflamment, soupirant

Colères et dédains qui mènent aux ravages

Du monde qui s'avère explosif et navrant !

 

Ô Magma : la caverne aux roches merveilleuses

Qui gonfle ma folie de vivre, traverser

Les feux, sentiers de flamme aux forces orgueilleuses,

Les dykes, cheminées qui parlent du passé !

 

Eruption effusive ! Oh ! Je vais, immature,

Me jeter, corps perdu, dans les laves en mer,

Ignorant le danger que la dame Nature

Va me tendre en chaleur sous mon pâle mohair !

 

Stromboli ! Ne viens plus rudoyer, ô grandiose,

Mon esprit de pensées inconscientes, carmin !

Je préfère un brouillard ou le gel qui se pose

Lentement sur mes doigts où se brûle un chemin…

 

 

<H1


06/08/2007
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