Quatre poèmes du recueil "Divertissements" (2007)
SOIREE FESTIVE DU TEMPS PERDU
C'est vrai ! Vous adorez les glaces à deux boules
Quand vous vous promenez avec quelques garçons
A la fête foraine, en suçant des glaçons,
En espérant que vos paternels ne déboulent !
Vous chantez comme un pied, « seule », au karaoké,
Car personne ne porte vos chants en victoire !
Et vous vous servez du micro d'un mec (armoire
A glace) en buvant en vitesse son saké !
La fête est à son comble ! On devine la joie
Que transmettent vos yeux quand ce garçon agite
Deux places de ciné… dans un café liégeois !
Le pauvre type ! Il n'a plus sa tête et sa…
Il est temps de rentrer ! La soirée vous harasse…
Et vos parents ont l'œil tourné vers les aiguilles
A tricoter car ils s'ennuient sur la terrasse,
Avec leur liqueur forte et leur chien qui sautille !
ISOLEMENT A CERGY
Je fixe ta jeunesse et ton mec baraqué
Au style grunge qui fouine en secret sous ta jupe !
Il ressemble à ce gars que ma sœur a plaqué :
Un blaireau de gamin ! Nous ne sommes pas dupes !
Tu crèches à Cergy dans l'HLM pourri
Vétuste où devant toi cramées sont les bagnoles !
Le voisin lève-tôt se barre pour Paris
Vers son boulot de boss ! Ton chômage t'étiole !
Que dalle ! Les jobs sont réservés au piston !
Tu ne connais donc pas ce dirlo de comptable ?
C'est vrai ! Tu n'es pas fille à papa ! Laiss' béton !
Ton père est ouvrier ! Ne te sens pas minable !
Enlève ton skinny et enfile un tailleur
De beauté ! Ne vis pas comme le lèche-bottes !
Peut-être seras-tu davantage à l'honneur
Quand on te recevra pour un job à la cote ?
ENTRETIEN DEBAUCHE
Je suis à la recherche d'un coup de piston
Et prêt à vous servir ô Chère Directrice
A me mettre à genoux devant chaque varice
De vos jambes rampant sous ma chaise en coton
S'il faut pour m'embaucher cueillir votre avorton
De corps me voilà donc Vous êtes ma nourrice
Délaissant votre époux du prénom de Maurice
Pour dresser mon CV ainsi que vos tétons
Vous m'engagez avec ma matière grise
Qui fait de vous une chaudière de travail
Je calcule le chiffre d'affaire et m'embourbe
Vous me montrez alors vos formes et vos courbes
De ventes au sein de votre bonne entreprise
Je suis à ta merci comme un épouvantail
L'hiver est fou
Les arbres sont givrés
Le brouillard est dingue
Les maisons sont allumées
Les volets sont cinglés
Par le vent sans raison
Mon compteur a disjoncté
Me voilà bien obscur dans ma chambre et je pige
Que dalle de ces murs sans électricité
(et même allumé par quelques bières)
La pénombre envahit mon corps jusqu'à la tige
Dans cet HLM gris au nord de ma cité
Je flaire une odeur dense ignoble de barbaque
(du poulet rôti ?)
Jusqu'au 3ème étage et comme au restaurant
D'en face où la poubelle encercle la baraque
Ainsi que les deux chiens stupides et navrants
(en train de s'attraper la queue et
de s'arracher les poils !
C'est vraiment tiré par les cheveux !)
L'hiver en blanc allume encor l'hypermarché
Et ses affiches sur des couches en promo
(qui en tiennent d'ailleurs une couche)
Je vois ces trottoirs lourds sur lesquels j'ai marché
Avant de regagner mon appart sans un mot
Je quitte ma fenêtre ouverte aux lampadaires
Et mon quartier bien chaud où brûlent quelques caisses
A cause du gouvernement qui me sidère
Honorant les patrons les riches qui me laissent
Tomber un peu plus dans la misère et l'ennui
Pourtant j'avais hier pour la gauche voté
Mais je n'y pense plus Je pense à cette nuit
Car mon voisin du bas s'est électrocuté
Le 21 mai 2007